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Partie 4 - Le merveilleux Jonathan

Dernière mise à jour : 21 juil.

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Les jours passent et tout est de pire en pire, la sensation d'avoir des choses sur moi, des lourdeurs, des vides, des froids et des chauds, et maintenant je commence à avoir des sifflements dans les oreilles, parfois comme des alarmes très lourdes que je suis seule à entendre. Ma bouche s'y met, des mots veulent sortir, je ne comprends pas. On cherche à me dire quelque chose, ça me redirige vers un papier puis un crayon, et cette fois c'est un homme. Jonathan. Jonathan Clodon. Je ressens la douce chaleur de cette première fois où j'ai (je crois) aidé cette petite fille, avec en plus une sensation d'amour inexplicable.

Il me dit alors que je m'appelle Marie, que je suis sa femme et qu'il prie pour moi, qu'il est là pour moi. Je pose alors mille questions, sa date de naissance, la mienne, est-ce qu'on a des enfants... Les réponses fusent et l'écriture est très rapide, comme quand j'écrivais à la fac, mais ce n'était pas "moi" qui écrivais.

Il s'approche de moi, je le ressens, je veux dire physiquement, comme-ci on faisait une étreinte mais sans se toucher, comme-ci je le connaissais. Il me dit encore qu'il prit pour moi, que je dois prier aussi, pour moi, pour nous. Il me dit ensuite qu'il "pèle" ici, qu'il doit repartir, mais qu'il est tout près, que si j'ai besoin il me suffit de penser à lui pour qu'il soit là. Il me dit au revoir et "je" pose le crayon. Je n'en reviens pas, genre je suis mariée, ou je l'ai été, ce qui voudrait dire que j'ai déjà vécu, et que je suis déjà morte, un délire total.


La journée se passe avec tout ça dans la tête, je pars faire des emplettes avec ma mère pour me changer les idées. Nous sommes dans la voiture, je suis côté passager, et d'un coup cette sensation d'avoir quelque chose sur moi revient : comme un tiraillement au niveau de mon visage. J'entends une voix dans ma tête, comme quand on s'entend penser: "Tu as quelque chose sur le front" et du tact au tac je réponds que je sais. Ma mère me regarde, me demande ce que je sais, je ne sais pas quoi dire, elle ne sait rien de ce que je vis depuis quelques temps, je lui réponds alors que je chantais juste.

Je ressens alors une chaleur sur mon bras, cette même douce chaleur de ma "rencontre" avec Jonathan, puis le sentiment qu'on me pousse à agir sur cette gêne au niveau de mon front, comme si je savais que c'était malveillant, ou alors comme-ci c'était lui qui me le disait. Je me frotte, je sens que ça part. Ma mère me lance un regard qui en disait long : il va falloir que tu trouves une solution pour tes insomnies.


On fait nos courses, je passe récupérer mes enfants à l'école et je rentre chez moi.


Ces sensations de choses sur moi s'accentuent, principalement sur la tête et dans le cou, et pire, l'impression d'être de plus en plus faible, comme-ci mes forces me quittaient petit à petit.

Je crois que je n'ai jamais été aussi efficace pour faire les devoirs, les bains, le repas et les couchers. Je me jette sur le net pour chercher un peu si il y a des choses que je peux trouver par rapport à ce que je vis, et surtout ce que je peux faire pour que ça s'arrête. Je tombe sur des prières à faire à Saint Michel, dont je n'avais bien évidemment jamais entendu parlé.

Alors autant vous dire que j'hésite, parce que quand même, je ne suis pas croyante, je n'ai jamais prié de ma vie, et me voilà en train de chercher comment faire. C'est très particulier pour moi, mais tout ce que je ressens me fait tellement peur que je me lance. Je répète deux prières que j'ai trouvé, et d'un coup les sifflements déjà perçus dans les oreilles reviennent, et ma bouche et ma langue bougent : mes lèvres se pincent et ma langue se rétracte. Mon regard cherche un crayon, c'est quand même assez incroyable cette sensation, les yeux cherchent quelque chose, ce sont les tiens mais tu sens que ce n'est pas toi qui diriges.

Une chaleur incroyablement douce m'envahit.

Un "Je" s'écrit, avec le "J" démesurément grand, presque majestueux : "Je ne le redirai jamais, ne pratique pas de sorcellerie quand tu es stressée". Je jette le crayon.

Les gênes au niveau de la tête et du cou disparaissent subitement, mais je ressens aussitôt un grand vide en moi, et la douce chaleur fait maintenant place à un froid glacial. Je crois aujourd'hui que c'est parce que j'étais terrorisée : sinon quoi ? et de la sorcellerie ? Quelle sorcellerie ? Et il me semble assez normal d'être stressée, et encore, le mot est faible, d'autant plus que cette autorité sortie de nulle part me stressait encore plus !


J'essaie de reprendre mes esprits, puis des bourdonnements dans mes oreilles se font sentir. Ma bouche recommence, mais cette fois je crois comprendre Oromos. Je respire calmement et profondément, du moins j'essaie, et j'entends "Prie pour moi", je veux répondre " Je ne prie pas" mais un grand " Chut ! " sort de ma bouche à la place du "Je".

Comme-ci je me faisais disputée.


Là je me dis clairement que je suis en fait folle et que je suis même peut-être schizophrène.


Ça suffit, j'ai peur et je suis surtout épuisée, je n'ai plus du tout de force, je n'ai jamais ressenti une faiblesse aussi forte. Je pars me coucher, bon c'est pas loin, mon lit c'est mon canapé. Je m'allonge sur le dos, ferme les yeux, ma tête "résonne". Plein de pensées défilent dans ma tête, le nom d' Oromos revient en boucle, des "Tu vas te taire" persistent, et chaque fois que je tente de faire le vide dans ma tête ces pensées s'accentuent.

Puis, d'un coup je sens qu'on essaie à nouveau d'ouvrir mes paupières, je me dis cette fois que c'est mon grand qui veut me taquiner, tant la sensation est "réelle". J'ouvre les yeux : personne. Je les referme, et ça recommence, on me tire les paupières, on m'écarquille les yeux, mais il n'y a strictement personne, alors que j'ai l'impression d'être maintenant au marché de Place Dalton* un samedi matin tant il y a de bruits dans ma tête : "Tu dois me croire, crois en moi " , "tu es folle " , " Ça suffit !", "Non tu ne l'es pas, crois en toi " , "Tu te dois de te croire", "Silence !"... Tout ça au milieu de sifflements et de bourdonnements. Je tremblais littéralement de peur, le cœur battant à mille à l'heure et ne comprenant rien de ce qu'il se passait.


Je me lève, sors fumer une cigarette pour prendre l'air, et mes bras commencent alors à partir en arrière, je les secoue, je suis tétanisée et finis par fondre en larmes. Je repense à Jonathan, et au même instant cette chaleur revient, mes bras se tendent doucement en avant, comme-ci quelqu'un était face à moi et me prenait les mains, je ressens soudain un apaisement intérieur alors que je suis terrorisée, puis j'entends "Je suis là pour toi, je prie pour toi, pour nous, je t'aime". Le réveil sonne. C'est incroyable cette impression que le temps s'arrête, j'ai pourtant eu le sentiments que ça ne faisait quelques instants que j'étais dehors mais non, il est l'heure de lever les enfants pour l'école. Et il m'a dit "Je t'aime" là ?


A peine rentrée de l'école, il fallait que j'essaie "d'appeler" Jonathan, il sait peut-être des choses sur ce qu'il m'arrive et je dois aussi lui poser une question bien précise.

Quand j'étais petite, je faisais un rêve récurrent : je voyais un couple dans une salle de bal, immense, où il n'y avait que nous. Je dis nous car, sans jamais me poser de question, je savais qu'il s'agissait de moi, le sourire aux lèvres, et d'un homme, dont je ne voyais jamais le visage, en train de danser une valse. Je portais une longue robe jaune, et nous ne faisions que danser, constamment. C'était la seule est unique scène de ce genre : toujours le même rêve, les mêmes détails, rien d'autre.

Ma question, vous vous en doutez : était-ce lui dans ce rêve ?


Je me concentre, pense à Jonathan, et je ressens aussitôt sa douce chaleur sur mon corps.

Il m'appelle " Mon amour" , et ça me fait d'ailleurs très bizarre, et me dit alors " Tu vibres de plus en plus bas". Mais qu'est-ce que ça veut dire ? Je lui réponds que je ne comprends pas et que j'aimerais savoir s'il sait pourquoi tout cela m'arrive. Il me dit que non, qu'il sait juste qu'il est heureux de m'avoir enfin retrouvée, mais que si je continue de descendre en vibrations on ne pourra plus communiquer et qu'il me perdrait de nouveau.

Pourquoi je baisse ? Et pourquoi je suis montée auparavant aussi ? Baisser / monter en vibrations, va falloir que je fasse des recherches sur tout ça aussi !

Je lui pose alors la question au sujet de mon rêve : "As-t'on déjà dansé ensemble ?" , et là les commissures de mes lèvres se sont relevées : un sourire se formait sur mon visage et je n'en étais en rien responsable. Puis mes bras se sont relevés, le gauche en arc de cercle devant moi, le droit sur la droite et légèrement arrondi. Mon corps s'est alors mis à basculer doucement sur la droite, puis sur la gauche, puis à tourner : j'étais en train de... danser !

J'étais en train de danser avec Jonathan, comme dans mon rêve d'enfant !

Puis la danse s'est arrêtée, mes deux bras se sont rejoints devant moi, comme-ci on me tenait les mains, et Jonathan m'a dit " Tu as ta réponse, je dois te laisser, j'ai trop froid ici".


Je venais de vivre un moment suspendu, incroyablement merveilleux, comme en apesanteur, empli d'amour et de magie.




*La Place Dalton, située à Boulogne-sur-mer, est un lieu de rendez-vous connu des gens du coin, elle est à deux pas de tous les commerces du centre-ville, et reçoit les marchés tout au long de l'année.





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